Kirghizstan – Lac Song Köl – 1ère partie
par *V* ~ Dimanche 10 août 2014. Classé dans : Kirghizstan.1er jour
Météo : Grand beau temps
Nous sommes fin prêts pour partir pour 5 jours à cheval autour du lac Song-Köl, l’un des joyaux du pays. N’étant pas cavaliers ni l’un ni l’autre, nous serons aidés pour une fois d’un guide.
Une voiture vient nous chercher à 9h à la guesthouse, puis nous laissons quelques affaires au CBT pour ne pas nous encombrer ni surcharger les chevaux. Nous partons ensuite en voiture en direction de Kyzart, petit village du bout du monde, situé au bout d’une route puis d’une piste bien chaotiques.
Notre guide, Aziz, est originaire de Kochkor et étudiant en langues étrangères à Bichkek. Il est guide durant les vacances scolaires pour financer ses études. Comme tous les kirghizes, monter à cheval est une seconde nature pour lui et il semble très attaché à son pays et ses traditions. Je suppose que beaucoup de jeunes en France n’ont pas une mentalité aussi « nationaliste » !
A Kyzart, nous retrouvons nos chevaux et déjeunons rapidement (soupe de mouton et très bonnes crêpes !). C’est ensuite l’heure de nous mettre en selle. Un petit « tchou » lancé aux chevaux et c’est parti.
Nous marchons un long moment dans la vallée, sous une chaleur écrasante. Nous attaquons ensuite une montée régulière dans les alpages, au milieu de jolies collines. Le paysage est totalement sauvage. Nos chevaux sont doux, plutôt lents et assez obéissants, parfait pour les néophytes que nous sommes !
A bout de 4 heures d’efforts sous un soleil de plomb, nous atteignons un col à 3400 mètres d’altitude. Le lac se dévoile enfin. C’est l’occasion de faire une pause avec un berger au milieu d’un paysage grandiose : montagnes d’un côté, collines et immensité du lac Song-Köl de l’autre côté.
Nous redescendons le col, l’occasion de constater que la descente est plus douloureuse pour le cavalier que la montée ! Puis nous suivons une vallée assez aride au milieu des vaches, moutons et chevaux, jusqu’à notre camp. Nous sommes soulagés de pouvoir enfin étirer les jambes après 5h30 passées sur le dos du cheval.
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Le camp est typique des nomades qui peuplent les rives du lac Song-Köl durant l’été : une tente mess pour la cuisine, une yourte servant de salle à manger, une ou deux autres yourtes pour les chambres, et une yourte pour les visiteurs de passage.
Nous partageons le thé avec la famille qui nous accueille. Le thé est une institution au Kirghizstan, c’est toujours la première chose que l’on vous sert avec empressement ! Le visiteur est d’ailleurs prié de ne rien faire du tout, juste de se faire chouchouter, boire et manger en quantité.
Puis nous partons nous promener au bord du lac. Le lac Song-Köl est situé à 3000 mètres d’altitude dans une vaste cuvette aux pentes douces. Il mesure environ 60 km de long, 30 km de large, et sa profondeur n’excède pas 15 mètres. Nous aurons besoin de 4 jours pour en faire le tour complet. Le lac est entouré de hauts sommets dépassant les 4000 mètres d’altitude. L’eau est gelée une grande partie de l’année. Les rives ne sont accessibles que de juin à septembre. En été, les nomades de la région sont nombreux à venir installer un jailoo, avec leurs yourtes et leurs troupeaux de chevaux et moutons.
On se sent loin, très loin. Le temps s’est arrêté, on savoure le bonheur simple d’être là.
Après ce moment de repos, c’est l’heure de prendre le repas sous la yourte : poisson pêché dans le lac, crêpes aux oignons, tomates et concombres. Nous discutons un moment avec Aziz qui commence à apprendre le français (en plus du russe, de l’anglais et du chinois). En échange on essaye de prononcer le kirghize mais ce n’est pas gagné. La conversation tourne autour de sujets légers (comment draguer une fille…) mais aussi de choses plus sérieuses comme la situation politique en Ukraine ou les traditions kirghizes.
La température chute vite. En voyant que je grelotte de froid, la maîtresse de maison me laisse sa yourte pour dormir car il y fait plus chaud que dans la nôtre. Je suis gênée par tant de gentillesse mais évidement il est impossible de refuser tellement elle insiste ! Nous voici donc installés au chaud grâce au poêle fonctionnant au crottin de cheval séché. Chaleur et fumée âcre assurés ! Vient ensuite l’heure de goûter au koumiss, la boisson nationale : il s’agit de lait de jument légèrement fermenté (environ 2° d’alcool). Celui que l’on goûte est particulièrement fort selon Aziz mais ce n’est pas si pire que l’on pensait. On dirait du petit lait de fromage blanc qui serait resté trop longtemps au soleil… Quelques gorgées suffiront quand même amplement pour cette première dégustation…
On nous installe ensuite un matelas par terre, surmontée d’une bonne quantité de couettes. Le poêle est chargé d’un stock de combustible. Malgré la température fraîche nous n’aurons pas froid cette nuit.
2ème jour
Météo : Beau temps puis orageux dans l’après-midi
Réveil à 7h30, bien après le soleil. Nous prenons de l’énergie au petit-déjeuner : oeuf, salade, tomates, concombres, boulgour. Il faut aller récupérer les chevaux qui sont partis plus ou moins loin pendant la nuit. En effet les chevaux sont en général laissés liberté, avec juste 2 pattes légèrement reliées par une corde pour éviter qu’ils ne galopent trop loin.
Nous nous mettons en route vers 9h, toujours sous un superbe ciel bleu. J’ai les bras bien cramés par le soleil d’hier. Des petites cloques se sont formées sous la peau, et vu l’hygiène très rudimentaire du coin, je préfère des garder des manches longues malgré la chaleur. Nous marchons sur des tapis d’edelweiss brûlées par le soleil. Et dire qu’en France cette fleur est si rare !
Nous suivons les rives du lac Song-Köl durant 3 bonnes heures. Nous arrivons ensuite à un camp de yourtes de taille assez importante pour la pause déjeuner.
Aziz a une cheville très enflée depuis hier soir, probablement une piqûre d’insecte qui s’est infectée. Il ne peut plus poser le pied par terre. Le premier hôpital est celui de Kochkor, à plusieurs heures de 4×4 (à supposer qu’on ait un 4×4 sous la main et que la route passe…). Il n’y a aucun réseau téléphonique, mais malgré tout son frère arrive de nulle part pour l’emmener à l’hôpital. Comment a-t-il réussi à être prévenu ? C’est la magie de la débrouillardise kirghize !
A cet instant nous pensons que notre séjour va être annulé, et que nous allons rentrer nous aussi sur Kochkor en 4×4. Mais finalement en moins de 4 heures, un autre guide arrive de nulle part (alors que le premier village doit être à 3h de route…). La miraculeuse organisation kirghize a encore frappé : jamais de problème (« niet problem » comme disent les kirghizes), que des solutions !
Pendant cette pause forcée on prend bien soin de nous évidemment : nourriture et friandise à gogo, conversation comme on peut dans un savant mélange d’anglais, russe et kirghize. Nous discutons cheval avec une jeune fille kirghize d’origine russe. Lorsqu’on lui demande si elle aime monter à cheval, elle répond en riant : « What do you think, I was born in Kyrgyzstan ». Tout l’esprit kirghize tient dans cette réponse : ici le cheval est un mode de vie !
Vers 16h nous remontons en selle, à présent accompagnés par Nourbourout, lui aussi un jeune du coin étudiant à Bichkek en économie. La météo se fait plus menaçante. Comme souvent, l’humidité du lac créé de gros nuages dans la journée. Le tonnerre gronde au loin, on accélère car on n’a guère envie de se retrouver sous l’orage avec les chevaux. Finalement nous n’aurons droit qu’à quelques gouttes.
Les paysages défilent, toujours aussi beaux, et au bout de 3 heures nous arrivons enfin à notre jailoo pour la nuit. Nos hôtes sont un peu décontenancés de nous voir arriver si tard. Les communications étant inexistantes près du lac, les guides n’ont pas l’habitude de réserver ; il suffit d’arriver suffisamment tôt dans l’après-midi. La maîtresse de maison se débrouille ensuite pour installer et nourrir tout le monde. Notre guide se fait donc un peu gronder, pendant qu’une petite mamie insiste pour nous apporter de l’eau chaude pour une petite toilette malgré nos protestations. En guise de salle de bain, on trouve dans les jailoo un petit réservoir d’eau avec un ingénieux système de piston en point bas, qui permet d’avoir un petit lavabo avec de l’eau « courante » à l’extérieur de la yourte.
Finalement, tout fini par rentrer dans l’ordre, et nous nous retrouvons attablés dans un gros plat de pâtes au mouton.
Dans la soirée, des jeunes filles viennent vers moi et me demandent « husband? » en désignant Monsieur. « No, boyfriend », leur répond-je. Je comprends alors que cette question n’était pas anodine car je les vois rentrer précipitamment sous la yourte pour défaire le grand lit et le remplacer des lits séparés. Je cours vers elles et leur crie en riant « no, sorry, husband, husband »… De toute manière quand il gèle la nuit et que l’on ne s’est pas lavés depuis 5 jours, il ne risque pas de se passer grand-chose… Mais j’aime bien avoir mon radiateur humain sous la couette près de moi ;)
3ème jour
Météo : Beau temps
Encore une nuit assez fraîche passée sous la yourte mais nous avons eu chaud grâce à l’abondance de matelas et de couettes. Le ciel bleu est à nouveau de retour.
Après un bon porridge, nous partons à travers les marécages asséchés. Un tout jeune garçon, gardant son troupeau de moutons, nous aide à traverser une rivière. Puis nous attaquons à longer toute la rive sud du lac, à travers des herbes asséchées. Les abords du lac sont habituellement plutôt secs, mais cette année est particulièrement aride. Tous les ruisseaux sont à secs, ce qui ne facilite pas la vie des nomades. L’eau du lac n’étant pas potable (trop polluée par l’élevage des animaux), il faut parcourir de nombreux kilomètres en 4×4 pour trouver une rivière et remplir des barils faisant office de réserve pour quelques jours.
Mon cheval a faim et ne songe qu’à manger au lieu de suivre les autres au petit trot. Je fais une pause pour le contenter, mais une fois reparti il faut toute ma force pour tenir les rênes et éviter qu’il ne baisse la tête toute les 5 secondes…
Après 5 heures de cheval, nous arrivons à un gros camp de yourtes qui sera notre point de chute pour le reste de la journée et la nuit. C’est le seul camp qui ne soit pas très « authentique » : contrairement aux autres jailoo croisés, ici les gérants tirent surtout leurs revenus du tourisme. Ils ont voulu bien faire en améliorant le confort : au lieu d’un matelas à même le sol, nous avons le droit à un lit de camp. L’expérience nous apprendra qu’un matelas au sol est en fait préférable (plus d’isolation et de confort). Malgré tout on ne peut pas critiquer cette gentille intention.
Nous déjeunons d’un poisson pêché dans le lac, puis sombrons dans le sommeil le temps d’une bonne sieste. En fin d’après-midi, nous allons nous balader autour du camp à pied et faire quelques photos. La lumière est belle, on profite du calme ambiant. Quelle chance d’être là.
Lassés de ne boire que du thé depuis 3 jours, nous rêvons d’un grand verre d’eau fraîche. Nous demandons à nos hôtes de nous servir un peu d’eau tirée de leurs barils. Ils hésitent, ayant sans doute peur de nous « empoissonner » avec de l’eau non potable. Plusieurs personnes goûtent l’eau du bidon, et ils finissent par décider qu’elle doit être assez potable. Nous mettons quand même une pastille de chlore par précaution, mais nous sommes ravis de pouvoir enfin boire de l’eau !
Nous dînons avec quelques autres touristes, à nouveau du poisson plus ou moins braconné dans le lac. En soirée, on fait une partie de foot avec les enfants. L’altitude nous rattrape, nous sommes vite essoufflés ! Puis les enfants nous font une démonstration de danse kirghize au son d’un antique poste de radio soviétique.
Les kirghizes sont très fiers d’exhiber pour la soirée un vieux groupe électrogène qui fait un boucan d’enfer et une odeur dégueu, mais c’est le summum du luxe dans la steppe. Je n’ose pas les décevoir et leur dire que j’aurais préféré faire sans ça ;)
Suite du récit dans la 2ème partie.
Toutes les photos sont dans l’album photos du Kirghizstan.
Résumé des articles du Kirghizstan :
Dimanche 15 janvier 2017 à 10:09
Bonjour,
j’ai lu tous vos aventures en Kirghizstan. Je vais y aller en Aout. Est-ce que par hazard vous avez encore les cartes de randonné autours de Karakol? Si vous voulez j’aimerais bien les acheter, vu que on ne les trouves pas ici…
Merci,
Thijs
Jeudi 19 janvier 2017 à 21:42
Bonjour ! Je ne suis pas sure d’avoir encore les cartes, mais elles sont normalement assez faciles à trouver au magasin Geoid de Bichkek (il s’agit en fait d’un petit bureau, bien planqué dans une arrière-cour entre deux immeubles, sur la rue Kievskaya, tout près d’un bureau DHL). Sinon on en trouve à l’office du tourisme tenu par les étudiants de Karakol. Il n’y a pas 50 chemins de toute manière, c’est assez facile à suivre.
Vous en trouverez aussi sur ce site :
http://boutdumonde.mongolie.free.fr/boutdumonde.mongolie/BMD_Kirghizistan_Carte.html
On peut aussi télécharger des tas de cartes sur ce site :
http://loadmap.net/
Le Kirghizstan est un magnifique pays, je rêve déjà d’y retourner. Bon voyage !