Le Kirghi… quoi ?
Le Kirghizstan est un petit pays montagneux d’Asie centrale. Les montagnes du Pamir et des Tian Shan recouvrent une grande partie pays : la moitié de la superficie se trouve à plus de 3000 mètres d’altitude, et plusieurs sommets culminent à plus de 7000 mètres. Entre ces montagnes, on trouve de larges vallées et des plaines peuplées de semi-nomades ayant conservé un mode de vie ancestral. C’est le paradis du cheval et des grands espaces. Au creux des montagnes, un océan disparu a laissé de nombreux lacs dont l’Ysyk-Köl : 180 km de long, 58 km de large, 700 m de profondeur. Cette véritable mer intérieure, 2ème plus grand lac alpin au monde, est légèrement salé et ne gèle pas en hiver.
C’est dans ce décor de carte postale que nous avons passé 3 semaines de vacances. Trois semaines pour découvrir des paysages dont la beauté n’a d’égale que la gentillesse des habitants.
Nous sommes partis seuls, sans guide ni agence, sans programme bien établi. En poche, uniquement nos billets d’avions et 2 nuits réservées pour l’arrivée dans une auberge de la capitale, Bichkek. Le pays est extrêmement facile à voyager, il aurait été dommage de s’embêter avec plus d’organisation alors que le mode « à l’arrach à la dernière minute » fonctionne très bien.
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Un peu d’histoire-géo :
Le Kirghizstan (appelé aussi Kirghizistan ou Kirghizie) est un pays jeune, n’ayant obtenu son indépendance qu’après la chute de l’Union Soviétique, en 1991. Il est bordé par le Kazakhstan au nord, la Chine à l’est et sud-est, le Tadjikistan au sud-ouest, l’Ouzbékistan à l’ouest. Les frontières, tracées par Staline, ne suivent pas forcément la logique géographique ou ethnique (« diviser pour mieux régner »…), notamment à l’ouest du pays. Le sud-ouest possède plusieurs enclaves ouzbeks et tadjiks, et les routes pour s’y rendre traversent forcément le territoire ouzbek et les enclaves des pays voisins ! (Pour ceux que ça intéresse, Novastan a publié un intéressant article sur le sujet).
Le Kirghizstan est malheureusement l’un des pays les plus pauvres d’Asie Centrale, ses ressources naturelles étant surtout constituées de mines d’or, de mercure et d’uranium (ce dernier est peu exploité depuis la fin de l’URSS). L’agriculture est le principal secteur d’activité malgré un climat souvent rude et des terres arides. L’élevage du bétail est très présent. En ce qui concerne les cultures, les productions dominantes incluent le blé, le sucre de betterave, le coton, le tabac, les légumes et les fruits notamment dans la région du lac Ysyk-Köl et la vallée du Fergana à l’ouest du pays.
Population :
La superficie du pays est trois fois plus petite que celle de la France, pour une population de seulement 5 millions d’habitants, majoritairement Kirghizes, Russes et Ouzbeks. D’origine turco-mongole, les kirghizes sont un peuple nomade fiers de leurs traditions. Le nomadisme était interdit à l’époque de l’URSS, mais les nomades ont progressivement repris leurs traditions de pastoralisme depuis l’indépendance du pays.
L’hospitalité kirghize n’est pas un mythe : on trouvera toujours un bout de chambre, ou un tapis de yourte où vous faire dormir, et la maîtresse de maison s’assure que vous ayez l’estomac bien plein ! Les kirghizes sont d’une extrême gentillesse et générosité, on nous a plusieurs fois donné de la nourriture alors que l’on ne demandait rien, et les gens étaient heureux de nous faire la conversation malgré la barrière de la langue.
La religion principale est un islam modéré, teinté de chamanisme. On trouve régulièrement des mosquées, pour la plupart assez récentes, mais peu d’autres signes extérieurs. Une très large majorité de femmes ne sont pas voilées, et habillées à l’occidentale. Nous avons d’ailleurs été impressionnés par les tenues vestimentaires : tous les gens sont bien habillés et propres, même dans les villages aux routes poussiéreuses !
Les kirghizes sont très calmes et parlent plutôt à voix basse. Ils ne sont jamais agressifs et rarement racoleurs (sauf les chauffeurs de taxis et de bus…). Leur naturel plutôt discret vis-à-vis des étrangers peut passer pour un côté froid, mais en réalité ce sont des gens accueillants, et toujours ravis de faire la conversation aux étrangers, dans un savant mélange de russe et de langage « avec les mains » !
Nous ne nous sommes jamais sentis en insécurité même si nous avons pris les précautions d’usage (éviter les signes extérieurs de richesse, faire attention à son portefeuille, faire attention aux faux policiers, éviter de sortir la nuit en ville etc.). Il est amusant de se balader dans les bazars, blindés de monde, mais pourtant calmes sans vendeurs qui tentent de vous alpaguer. En 3 semaines nous n’avons jamais croisé un enfant pleurant ou faisant un caprice, même durant 8 heures de bus !
Langue :
Le Kirghizstan possède 2 langues officielles : le kirghize (langue nationale) et le russe (langue officielle). Dans les deux cas, c’est l’alphabet cyrillique qui est utilisé. Le kirghize n’est pas facile à apprendre pour des français : on trouve peu ou pas de lexiques, et c’est une langue aux sons durs ! En revanche tout le monde parle russe puisque la langue était enseignée à l’époque de l’URSS, et est encore largement utilisée pour les échanges internationaux. D’ailleurs, les kirghizes s’adressent spontanément aux étrangers en parlant russe. L’anglais est encore très peu parlé.
Avant de partir, nous avions appris quelques mots de politesse en russe, ainsi que l’alphabet cyrillique. Savoir lire le cyrillique nous a été très utile pour déchiffrer les plans des villes, les cartes de randonnée, les panneaux dans la rue et les destinations sur les bus. Nous avons également appris à compter, c’est pratique pour négocier les prix mais le système D peut suffire (un petit carnet et un crayon, ou à défaut le clavier d’un téléphone portable font l’affaire). Tous les gens rencontrés ont toujours fait un effort pour nous comprendre malgré la barrière de la langue. Notre apprentissage du kirghize s’est malheureusement résumé à « bonjour » (salam) et « merci » (Rrrrrarmat !).
En résumé, si vous souhaitez partir au Kirghizstan, nous vous conseillons fortement d’apprendre le cyrillique. Tout vocabulaire de russe sera utile mais il est inutile de savoir faire une phrase complète. Un petit lexique franco-russe est très pratique pour dépanner bien des situations. L’anglais est peu utilisé, à part dans les agences de tourisme locales et dans quelques lieux de la capitale.
Nourriture :
La cuisine kirghize est l’héritière de celle des nomades et se caractérise donc par une grande simplicité. Les sauces et les épices sont employés par petites portions. Nous appréhendions la cuisine kirghize mais nous avons finalement été agréablement surpris. Les plats sont goûtus mais pas piquants, avec un goût assez proche de ce que l’on peut cuisiner en Europe. La plupart des recettes sont à base de viande (souvent du mouton, plus ou moins gras… selon les kirghizes plus c’est gras plus c’est bon !), accompagné de légumes, pâtes ou riz. En été, les légumes frais sont abondants, surtout des tomates délicieuses et des concombres. En revanche les kirghizes ne mangent pas de dessert. Tout juste trouve-t-on parfois quelques glaces. Les fruits sont plutôt consommés sous forme de confiture. On trouve aussi beaucoup de pastèques et de melons.
Le Bechbarmak (littéralement « cinq doigts ») est le plat le plus typique : viande de mouton, oignons, pâtes ; comme son nom l’indique, ce plat est traditionnellement mangé avec les mains, mais personne ne vous en voudra si vous vous aidez d’un couteau et d’une fourchette. Le plov est commun à toute l’Asie centrale : viande de mouton, riz sauté, carottes et variantes locales (ail, pois chiches, raisins secs…). Les mantys sont de gros raviolis farcis de viande, d’oignons et de gras, qui se cuisinent à la vapeur ou se font frire. Les samsas sont des beignets de viande frits ou plus rarement de fromage ; ils s’achètent facilement dans les bazars ou dans les boutiques le long des routes, à des sommes très modiques.
En terme de boisson, le thé (« tchaï ») est la boisson incontournable à table. Il accompagne tous les repas. En général il n’est pas très fort, ce qui permet d’en boire le soir sans ensuite passer une nuit blanche. Pour les touristes, l’avantage est aussi d’utiliser une eau bouillie, donc de limiter les risques de maladie.
Le koumis, lait de jument légèrement fermenté (2% d’alcool) est la boisson nationale. Son goût est particulièrement fort, et rares sont les touristes qui l’apprécient ! Les kirghizes eux en raffolent et en consomment les litres. La tradition veut que, si l’on entre dans une yourte, l’habitant en offre un bol à ses invités. On en trouve également de partout le long de routes, au bazar etc.
Héritage soviétique oblige, la vodka est largement répandue. Les rayons des supérettes en sont bien fournis, on trouve des bouteilles à tous les prix et même sous forme de petites coupelles de quelques millilitres à boire « cul sec ». Attention la plupart des bouteilles ne comportent pas de bouchons, seulement un opercule, et il faut donc finir la bouteille entamée ! Les kirghizes ont tendance à forcer un peu sur la vodka et les hommes ivres dans la rue ne sont malheureusement pas rares.
On trouve de l’eau plate et gazeuse sans problèmes, ainsi que des sodas type du Coca-Cola, Sprite, Orangina etc. En montagne l’eau est abondante et plutôt claire, mais comme dans les Alpes mieux vaut y mettre une pastille de purification type Micropur car les troupeaux d’animaux sont fréquents. Attention certaines zones comme le lac Song-Köl sont plutôt sèches et les rares ruisseaux peuvent être très pollués par l’élevage des chevaux et moutons. Dans ce cas, la purification de l’eau est indispensable (pastille, faire bouillir l’eau etc.). Nous avons également utilisé des pastilles pour purifier l’eau prise au robinet en ville par principe de précaution. En revanche, nous n’avons pas utilisé de filtre.
Transports :
Les transports au Kirghizstan sont encore peu développés. Le train est quasi-inexistant et et les vols aériens intérieurs opérés par les compagnies kirghizes figurent sur la liste noire des compagnies aériennes… Le moyen privilégié reste donc la route, qui n’est souvent qu’une piste plus ou moins défoncée. Heureusement pour le touriste, la voiture est encore un privilège réservé aux riches. Les transports collectifs, tels que les minibus (marchroutka) et taxis partagés sont donc nombreux et souvent bon marché. Toutes les villes et villages possèdent une gare routière, où l’on trouve facilement un véhicule. Il n’y a pas d’horaires réguliers, le bus part quand il est plein, en général à partir de 9h du matin. Nous n’avons jamais attendu plus que quelques minutes pour trouver un bus ou un taxi partagé, même sur les petits sentiers perdus au retour des randos. Ceci dit, nous sommes restés dans les coins les plus « touristiques » du pays. L’auto-stop est également largement répandu, mais le chauffeur s’attendra à partager le prix de la course. On a coutume de dire que chaque kirghize ayant une voiture est aussi chauffeur de taxi.
On trouve tout types de véhicules, des vieilles Lada aux modèles japonais plus récents. La plupart des voitures sont d’origine allemande ou japonaise et accusent déjà plus de 200 000 km au compteur… Attendez-vous aussi aux conducteurs qui coupent le moteur dans les descentes, aux pare-brises fissurés, aux pneus lisses et au compteur de vitesse qui ne marche plus (après tout, mieux vaut ne pas savoir !). Les véhicules roulent à droite, mais le volant sur les voitures japonaises est lui aussi à droite, ce qui peut provoquer quelques sueurs froides lorsque le chauffeur vient à se déporter pour doubler… La conduite kirghize n’est pas des plus prudentes malgré les policiers très présents. On peut même dire qu’ils doublent n’importe quand et n’importe comment. Après tout, si la route est assez large pour laisser passer 3 véhicules de front, pourquoi s’embêter ;) Heureusement, le trafic routier est plutôt faible, ce qui limite le risque d’accident lors des dépassements sportifs.
A noter que le Kirghizstan ne possède pas d’office de tourisme publique, à l’exception de la ville de Karakol. En revanche, il existe une agence d’écotourisme nommée CBT (Community Based Tourism) qui possède des bureaux dans les principales villes du pays, avec du personnel anglophone. L’agence peut organiser un voyage « clés en mains » (guide, logement, transport) mais joue aussi le rôle de point d’information pour ceux qui souhaitent simplement un renseignement sans forcément payer l’agence. Nous les avons souvent sollicité lors de nos passages dans les villes et villages pour avoir des infos diverses, trouver les arrêts de bus, trouver une chambre d’hôte, réserver un taxi ou simplement connaître les circuits sympas du coin.
Coût de la vie :
La monnaie nationale est le som. Le taux de change lors de notre voyage était de l’ordre de 70 soms pour 1 euro. On trouve de nombreux bureaux de change à Bichkek, et quelques-uns à Karakol. Attention, les bureaux de change sont très pointilleux sur la qualité des billets : les billets étrangers déchirés, même de quelques millimètres, sont susceptibles d’être refusés. L’usage de la carte bancaire semble être très rare, même si les GAB /DAB commencent à s’implanter un peu partout.
Quelques prix typiques :
- un repas au restaurant : 200 à 300 soms
- une nuit en guesthouse : 300 soms pour la nuit et 150 soms pour le repas
- trajet en bus de Bichkek à Karakol : 300 soms
- trajet en bus de Karakol à Bokonbaevo : 150 soms
- trajet en bus de Naryn à Bichkek : 270 soms
De manière générale, on négocie peu : les prix dans les boutiques sont plus ou moins marqués, de même pour les hôtels et les restaurants. Les lignes de bus ont un tarif officiel, pas toujours indiqué car on paye souvent directement au chauffeur. Dans ce cas, il peut arriver que le chauffeur ou un rabatteur demande plus que le tarif officiel… N’hésitez donc pas à vous renseigner auparavant sur les tarifs pour éviter les arnaques. Le prix du taxi se négocie avant le départ de la course. En général, demandez le prix et essayez de négocier 20 à 30% de rabais ;)
Le touriste n’est pas encore trop vu comme une vache à lait, même si on ne manquera pas de vous faire remarquer que la vie au Kirghizstan est bien moins chère qu’en Europe. Les grosses arnaques sont plutôt rares mais les kirghizes ont une curieuse tendance à se tromper sur le rendu de la monnaie avec les étrangers, ne sauraient-ils donc pas leurs tables de soustraction ? ;) Les vendeurs sont aussi très souvent à court de monnaie « comme par hasard » et mettent 10 minutes à trouver la pièce manquante. A part ces petites anecdotes, la relation à l’argent entre locaux et touristes étrangers n’est pas trop compliquée, et avec un peu de bon sens tout le monde peut y trouver son compte.
Bibliographie :
En plus des guides de voyage, j’ai adoré me plonger dans les romans et récits sur l’Asie Centrale, une région du monde qui me fascine depuis longtemps. J’ai passé de longues soirées d’hiver le nez dans les livres, afin de me plonger dans l’ambiance du voyage. En voici une sélection.
Guides :
- Kyrgyzstan, par Laurence Mitchell, editions Bradt travel guides : le seul guide vraiment complet existant sur le pays. Uniquement en anglais, mais très bien documenté, et assez à jour. Indispensable, il nous a beaucoup servi sur place !
- Lonely Planet Asie Centrale : pas le meilleur Lonely Planet qu’il existe… A priori l’édition anglophone serait plus à jour que l’édition française. Il n’existe pas de Lonely Planet focalisé sur le Kirghizstan uniquement.
- Petit Futé Kirghizistan : pas très gros, bien documenté pour Bichkek, mais un peu léger pour voyager dans le reste du pays.
Récits de voyage :
- Longue marche, par Bernard Ollivier : un long récit en 3 tomes d’un homme qui a marché sur la route de la Soie, d’Istambul à Xi’an. Peu de passages sur le Kirghizstan, mais une belle immersion dans l’Asie Centrale qui invite au voyage.
- À l’auberge de l’Orient – seule sur les routes d’Asie centrale, par Alice Plane : encore un joli récit de voyage d’une baroudeuse.
- La Chevauchée des Steppes – 3000 kms à cheval à travers l’Asie Centrale, par Priscilla Telmon et Sylvain Tesson.
Beaux livres :
- En pays kirghize – Visions d’un familier des monts Célestes, par René Cagnat : superbe livre de photographies commentées par un fin connaisseur de la région
- L’Asie vue du sol depuis notre tandem, par Antoine-Romain Rozwadowski : un joli reportage en textes et photos d’un an de voyage en Asie Centrale.
Géopolitique :
- La rumeur des steppes – De la Russie, à l’Afghanistan, de la Caspienne au Xinjiang, par René Cagnat : un livre complet (bien qu’un peu compliqué à mon goût…) sur l’histoire ancienne et actuelle de l’Asie Centrale.
Romans :
- Djamilia, par Tchinguiz Aïtmatov : le plus célèbre roman du plus célèbre écrivain kirghize. Les kirghizes en sont fiers, et étaient encore plus fiers que nous l’ayons lu avant notre voyage ! C’est une jolie histoire d’amour dans la Kirghizie rurale de l’Union Soviétique. Un petit roman à l’écriture simple.
- Djildiz ou le chant des monts célestes, par René Cagnat : un récit d’aventures mêlé à une belle histoire d’amour, dans le cadre féérique des Monts Célestes.
Toutes les photos de ce beau voyage sont dans l’album photos du Kirghizstan.
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Résumé des articles du Kirghizstan :